lundi 31 janvier 2011

sous

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....sous tout ce qui est lisible dans la lumière du jour, que l'air oxyde, vernit, racornit, sous la poussière, sous la peau du monde habituel - si on décolle doucement ; ce qui a été protégé, même de notre pensée.

.......la tension qui sépare l'émotion de l'action, un flux encore sans direction, semblable aux remous sous les cascades, une eau dangereuse, brassée. Parfois on reste pris dans ce qui tourne indéfiniment, toute la force occupée à se maintenir. Mais souvent un canal s'ouvre et alors l'écoulement commence - de plus en plus rapide, huileux.
Dans ce temps très bref, placé au dehors des durées habituelles ou juste à la limite du temps, naît l'action. Et on n'y peut rien.

....les soubassements des creux d'un visage. Ceux des os mais aussi tous les héritages précédant la naissance, et l'histoire aussi des douleurs les plus prolongées, insolubles.

....la fente des paupière décrite de côté, paupières livrant par l'ouverture le feu d'une âme froide, âme d'idole, percevant les débuts et les fins.

....la peau de l'homme très malade, âgé, qui s'assied avec peine ; sous la peau pâle de son dos, la crête mince des apophyses vertébrales, tout à fait droite, parfaite. Son torse émacié, sous un pyjama rouge vif.

....la vision d'une sévère maison de brique pourpre, haute, vue de loin au bord d'un champ. Ses portes et ses fenêtres encadrées et quadrillées de blanc. La ligne du toit, et par cette ligne, ou sous elle, toutes les maisons de ce genre qu'on a vues, perdues dans une incroyable épaisseur de temps. Maisons traversées de jour, de part en part, leur pénombre et leur odeur dès l'entrée. On sent l'épaisseur mélangée de la mémoire - des feuillets dormant sous le moment qu'on vit là, debout et immobile, juste à regarder..

....la nuit opaque et glaciale, de retour de l'aéroport. L'autoroute cernée d'obscurité, dont la neige vient à peine de disparaître ; je pense que c'est une nuit à voir des bêtes engourdies, égarées. Soudain jaillit, très long et très pâle et comme rampant sous la lumière des phares, fulgurant, ce qui me semble être un renard. Une seconde irréelle avant que je ne heurte le renard, (ou qu'un arbre tombe, sans aucun bruit ?).... mais non, rien, tout se poursuit.

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