vendredi 18 février 2011

vers

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.......Tandis que le soir tombe sur les longues lignes de peupliers,
sur le fleuve traversé de ponts et de bancs de cailloux, coulant sous son interface infranchissable, son miroir, tandis que nous traversons le pays.
Allant vers où nous allons, à la vitesse que nous y mettons, les vibrations, et nos regards toujours déjoués par l'effacement du paysage.
Se crée un tube bleu sombre où le train bientôt s'engloutit, où nous nous endormons. Et le désir joue une musique dans ce basculement, cette hâte que nous ne ressentons pas, ce temps perdu. Les rêves sont comme des cailloux flous qu'on laisse filer en arrière, qui voyagent sur un autre bord du monde, vers d'autres lignes d'arbres, d'autres talus. Qui passera plus tard, là où je suis si souvent passée ?
Où je n'aurai plus à passer, quand je serai arrivée.




.......Que montres-tu, danseuse, tes mains ainsi cachées sous les bras, frileuse ? Tu as passé l'après-midi à errer dans le bois, manches de soie flottantes, d'un vêtement usé que traverse le froid du début de printemps. Tu erres, d'une allée tu t'enfonces dans le sentier, semblable aux arbres toujours mouvants, de creux en embranchement ; tu choisis. Plus rien ne règle les mouvements de ton corps assoupli, obéissant, plus rien ne s'impose.
A la fin, fatiguée, tu parviens au bord d'un champ, et tu t'assieds sur le tronc d'un hêtre, les mains posées. Fine écorce grise dont tu perçois les reliefs. Ton regard se noie vers le haut de la colline, si ensoleillée, puis part au delà.



.......vers rien
mais alors, rien.


.......Ils sont au travail à ciel ouvert, ils frappent régulièrement, et l'air mat rend les coups, comme la cupule géante d'une main - ainsi avancent-t-ils dans le décompte des jours, dans la saignée qu'ils tracent.
Ils restent dans cette fente blanche et pelée, ouverte entre les épaulement des forêts, et qui descend lentement vers la rivière : la rivière lestée de vase, mais profonde, bordée de pins où le vent se lève.
A travers la vallée elle charrie leurs jours, et ce chagrin qu'ils secrètent, si isolés, comme les derniers représentants d'une peuplade. Il frappent, ou scient, le bleu de la coupole du ciel chante en réponse, voix voilée et répétée.
Les troncs glissent, atteignent le bord de l'eau. Puis ils descendront en longs trains flottants, jusqu'à l'endroit où ils seront débités.

........Un passage d'un film, l'histoire de deux soeurs dont l'une est "folle" et l'autre "normale": leur rencontre avec des hommes pas forcément recommandables, dont l'un s'approche en fin de soirée de la soeur "sage", après qu'ils aient partagé des merguez, pas mal de bière et quelques joints.
Il y a ce moment où il enlève sa veste et la pose sur ses épaules à elle, parce qu'elle a froid. Par ce geste, la façon dont il le fait, ce qu'ils disent ( "il faudrait que vous y alliez maintenant"/ "oui, on y va") il la fait entrer quelque part, se penchant lui aussi sans plus d'hésitation dans l'aura des corps, le mélange. L'un et l'autre se détendent d'un seul coup (et son geste à lui en a été l'ouverture, sous la protection de cette enveloppe, qu'il lui prête) et glissent
hors de soi.